L'ordinaire et le propre des livres – Petite philocalie
J'ai enchéri ce livre, voilà quatre jours, et l'ai reçu ce jeudi matin. Un premier exemplaire était passé il y a un mois, et les enchères étaient montées à prix d'or entre deux amateurs. Je n'avais pu suivre. J'avais toutefois découvert l'existence de ce qui est donné comme le seul ouvrage de nus signés d'un photographe indien, en Inde.
Je m'étais fait une raison. Lundi, étrangement, j'étais seul. Le vendeur en demandait le cinquième du prix auquel le précédent s'était arraché.
Le format est modeste : 15,5 x 24,5 cm. L'édition a été conçue sans autre luxe que cette jaquette rabattue sur une simple couverture brochée, muette. À l'époque (1966), l'impression en héliogravure était une routine pour l'imprimeur qui respectait son art.
Mais il y a ces pages dépliantes, un mauvais rêve pour le brocheur. Pas une n'est cornée – or il n'est rien de plus délicat que de fermer ces pages en veillant à ce qu'elles reprennent leur juste place, étroitement calculée. Le ou les détenteurs précédents (l'exemplaire a pourtant vécu) ont entouré le livre de soins certainement minimalistes, mais attentifs.
Sans doute prendrai-je un instant, durant le week-end à venir, pour que cette chronique devienne la dix-huitième de L'ordinaire et le propre des livres. Mais ce soir, je me contente de découvrir ce trésor, mis de côté ce matin à l'heure du postier (les clients ne sauraient me passer quelques instants contemplatifs, même au prétexte d'un livre). Et l'envie aussitôt me prend d'en partager ici l'émerveillement. Sans (m')épargner la question qui titre provisoirement cette page :
– nous ne savons plus faire de tels livres, d'une telle parfaite nudité d'objets entièrement dédiés à ce que leurs pages recèlent ;
– nous n'aurions pas la force morale de nous en tenir à ce titre, qui indique et ne vend pas ;
– nous redouterions le ridicule ou le contresens en autorisant le préfacier à écrire, comme premiers mots de son texte, le nom de Maximilien Vox ! [je vous parlerai, un jour, de ce fou de typographie, auteur du catalogue du fondeur Deberny-Peignot] et à imprimer sa préface sur ce curieux papier vert pâle ;
– au photographe qui nous proposerait de publier de tels clichés, nous adresserions un sourire poli et gêné : quelle valeur vénale fixer à des corps que l'objectif semble n'avoir pas même importunés de son déclic ?
Que sommes-nous devenus pour ne pas rêver d'être l'éditeur d'un livre comme celui-ci ?
Jacques : pour ma plus grande joie (et ma réflexion, qui s'en nourrit), L'ordinaire et le propre des livres ne m'a pas valu une seule "pique" franche qui nous marginalise dans un passé vieillot et larmoyant. Je commence à croire aux vertus pédagogiques de ce petit clou frappé presque chaque jour avec mon petit marteau. Un auteur m'écrivait, ces jours-ci, avoir exigé et obtenu de son éditeur que son prochain livre soit cousu, se sentant conforté par mes plaidoyers répétés ici même. Ni l'auteur, ni l'éditeur, en la circonstance, ne sont des marginaux du livre. Je tiens l'épisode pour une petite victoire de ce blog. Je concocte une leçon de choses via mon libraire habituel : refuser un livre commandé (hors office, donc) sous le prétexte qu'il n'est pas cousu – à charge pour ledit libraire, bien entendu, d'expliquer très précisément le litige au diffuseur concerné, voire téléphoner à la direction commerciale de la maison d'édition, où (récemment encore, du moins) les appels de libraires étaient pris en considération. Imaginez, dix retours orchestrés dans la même semaine, de dix villes différentes. Le ver du doute serait introduit dans le fruit du marketing éditorial, on commencerait à écorner cette suffisance arrogante avec laquelle on traite le livre, aujourd'hui, jusque dans l'objet lui-même.
Danielle : Deux liens… L’un sur l’image du haut (toute l’image est “sensible” à la souris, il suffit de cliquer). Et un autre sur le mot “Galerie”, en bas. Mais je viens de rajouter la mention “Cliquez ici”. Vous n’êtes pas la première personne à me faire la remarque sur la trop grande discrétion de mes liens, de façon générale. Il est vrai que je pars du principe que, sur une page Internet bien faite, chaque image, chaque mot important, proposent un lien hypertextuel qui permet d’aller au-delà de l’écran, au-delà du miroir. C’est l’intérêt majeur de l’informatique, il faut l’exploiter, la souris l’exige pendant la navigation. Toutefois, les habitudes de lecture évoluent différemment chez les uns et les autres. Il faut en tenir compte également.
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Dominique Autié
Dominique Autié
Quand le labeur
de vos journées
et les lectures
de vos nuits
vous tendent un seul
et même miroir
qui est l’écran
de votre ordinateur,
il y a urgence
à créer votre blog :
grâce au premier internaute
qui vous rend visite,
le cercle
cesse d’être vicieux.
Dominique Autié
Dominique Autié
Dominique Autié
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